dimanche 13 avril 2008

Pélerinage de Couple, Voyage de Noce !

Nous mettons ce témoignage en souhaitant que vous vous "souveniez de votre voyage de noce" et des leçons que vous avez reçues providentiellement...
Que la lecture du TÉMOIGNAGE cidessous vous soit source de partage et de bonheur, en couple et en famille
Car votre mission est extraordinaire dans l'aujourd'hui de notre monde....
présentation : Suzanne Daniel
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5788 km à pied : Vivre la pauvreté c’est accepter d’avoir besoin des autres (I)
Entretien avec Edouard et Mathilde Cortès

ROME, Mercredi 9 avril 2008 (ZENIT.org) - « Nous avons choisi de nous abandonner totalement dans les mains des hommes et de Dieu pour élargir notre cœur. Pauvres, nous le sommes devenus parce que nous attendions tout des autres ». Après un pèlerinage à pied de près de 6000 kilomètres, de Paris à Jérusalem, Edouard et Mathilde Cortès sont de retour. Ils expliquent pourquoi ils ont choisi de faire ce pèlerinage et comment ils l'ont vécu.
Zenit - La décision de faire ce pèlerinage en mendiants a profondément interpellé les gens. Elle était un peu vu comme « une folie ». Avez-vous regretté cette décision ?
E. et M. Cortès
- Nous sommes partis à pied, sans argent, sans téléphone portable, en mendiant notre nourriture et un toit pour dormir. C'est fou, surtout dans une société où on prône la sécurité maximale, prise de risque minimale. Nous avions de petites besaces de 4 kilos pour Mathilde et 7 pour Edouard. Nous avons tout lâché (appartement, boulots, comptes en banque...), quitté nos familles et nos amis une semaine après notre mariage. Nous avons voulu nous dépouiller du surplus matériel dans lequel nous vivons. Même notre carte bancaire. Nous avons choisi de nous abandonner totalement dans les mains des hommes et de Dieu pour élargir notre cœur. Pauvres, nous le sommes devenus parce que nous attendions tout des autres.
En sept mois et demi nous avons vécu avec peu mais n'avons manqué de rien. Se faire pauvre, devenir pauvre, ce n'est pas un jeu. C'est une urgence dans notre société où le matérialisme est un cancer des cœurs. C'est une nécessité si on veut aller vers l'autre. Nous étions en position de demandeurs. Nous avons reçu des Hommes. 103 accueils pour la nuit dans des maisons. Plus de 250 repas reçus dans des familles. Notre survie a tenu à un seul mot : la CONFIANCE.
Bien sûr, nous avons aussi eu faim. Nous avons souvent dormi dehors, 82 bivouacs en pleine nature ou dans des lieux abandonnés. Plus que le pain, nous avons mendié ce qu'il y a dans le cœur des hommes.

Zenit - Pouvez-vous nous décrire l'un des plus moments les plus durs de ce pèlerinage ? Et l'un des plus beaux ?
E. et M. Cortès - 232 jours, 5788 km, parsemés de joies et d'épreuves, 14 pays traversés, des centaines de personnes croisées cela veut dire une multitude de beaux moments et une myriade de difficultés.
Le plus dur pour nous n'a pas été d'avoir faim ou froid mais d'être rejetés. Par exemple par un prêtre catholique en Croatie qui n'a pas voulu venir nous voir et nous parler mais qui, par personne interposée, nous a envoyés dormir loin de son église. Nous ne faisions pas très « propre » sans doute, installés pour dormir devant le porche de la maison de Dieu. Un autre moment dur : en Syrie, suspectés par les services de renseignements, pris pour ce qu'on n'était pas, suivis en permanence, interrogés tous les jours et de ce fait en semi-liberté et en proie à la paranoïa. Le plus difficile a été d'avoir peur des hommes. Vaincre ses peurs, voilà le vrai défi. Pour cette marche, pour la vie. Il a alors fallu apprendre à redonner sa confiance et expérimenter que « l'amour parfait chasse la crainte ».
Les beaux moments, c'est de découvrir l'extraordinaire dans le quotidien. Une main qui se tend, une porte qui s'ouvre alors qu'on n'a rien à donner en retour. Particulièrement, ce moment où tu as faim et froid et où sans que tu ne demandes rien à personne, quelqu'un t'invite. Cela nous est arrivé bien des fois, comme ce jour de brouillard au Monténégro après le passage d'un col, où nous avons été accueillis à déjeuner par une famille qui était en train de faire des confitures. Nous sommes repartis avec 5 kilos de pommes de terre dans les sacs. Mais notre joie pesait plus encore.
Ou bien le souvenir de Marta, une petite fille serbe de 6 ans, qui nous a offert son unique jouet : « Tenez, ce sera pour votre premier enfant ». Ou encore Ender, un riche diamantaire en Turquie, musulman pratiquant, qui a lavé nos habits après 8 jours de marche.

Zenit - Avez-vous parfois eu envie d'abandonner ? A quels moments ? Qu'est-ce qui vous a aidé à tenir ?
E. et M. Cortès
- A plusieurs reprises nous avons voulu arrêter notre marche. Les moments de découragement sont venus systématiquement après un coup dur : des disputes au sein du couple, des rejets, une agression en Turquie, la neige ou la pluie incessante, des pressions psychologiques des services de renseignements syriens, les jets de pierres et les insultes d'enfants au Proche Orient, l'expulsion à deux reprises par les douaniers israéliens.
Mais notre force a été d'être à deux. Rarement le découragement est venu ensemble. Il y en avait toujours un pour porter l'autre. Et quand nous avons flanché tous les deux, Lui était là, pour porter notre couple.

Zenit - Quelles « leçons de vie » tirez-vous de cette longue marche ? Tout d'abord sur le plan humain. Qu'avez-vous appris à travers les innombrables rencontres que vous avez faites ?
E. et M. Cortès -
Cette route a été pour nous image de la vie. Car qu'on le veuille ou non, nous sommes en route et il faut marcher. Malgré la pluie, le vent, le soleil qui brûle, les cailloux du chemin... Avancer, malgré les obstacles et les fatigues. Avancer « au large », vers son idéal. Idéal qu'à l'image de la ligne d'horizon on n'atteindra pas, sur cette terre. Toute vie humaine est aventure. Nous en prenons ses risques puisqu'en dépend une éternité.
Ce fut un voyage de noces pour le meilleur et pour le pire. Nous avons vu des hommes, au cœur dur et fermé. Nous avons vu l'emprise du mal et de l'injustice. Et pour la première fois de manière si vive, nous l'avons senti et expérimenté dans nos cœurs et nos chairs.
Il y a des hommes au grand cœur. On en croise peu, car ils sont souvent discrets ou cachés. Ils ne parlent pas de charité, ils la vivent. Avec eux, une vraie rencontre est possible, entre celui qui accueille et celui qui reçoit. La joie est alors partagée. Une harmonie se dégage, et la langue qui nous faisait barrière, ne sert plus. On est dans un cœur à cœur où le pauvre est aussi heureux que celui qui donne. Comme si l'hospitalité qu'ils pratiquaient nous humanisait et eux avec. Comme si ce qu'ils donnaient gratuitement les transcendait et nous avec.
Nous nous sommes mis à l'école de la simplicité : prendre le temps comme il vient, les gens comme ils sont. Pendant 7 mois et demi, nous avons porté les mêmes vêtements, mangé ce qu'on nous donnait, bu avec la même soif de l'eau, de l'alcool, du café, du thé. Tel des métronomes de la route, nous avons vécu au tic tac du cœur, laissant la vitesse et le temps à ceux dont la vie est une course.
Enfin, nous avons fait l'expérience de l'effort et du sacrifice. Nous avons dépassé bien souvent nos limites. Physiquement, psychologiquement, quand on est à bout, ou quand on croit l'être, il y a toujours une part de possible dans l'Homme. Cela nous invite à l'Espérance. L'ascèse n'est pas à la mode. Peu importe, nous l'avons vécue tous les jours. Les hédonistes grimaceront, mais nous avons découvert la joie profonde qu'il y a à se dépenser pour plus grand que soi. Un chemin de croix que l'on accepte est un chemin de joie.
Zenit - Et sur le plan spirituel. Vous êtes partis dans un esprit d'abandon total à Dieu. Avez-vous le sentiment qu'il vous a accompagnés, et que vous le connaissez mieux aujourd'hui ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets.
[Fin de la première partie]

Nous publions ci-dessous la deuxième partie de cet entretien.

Zenit - Et sur le plan spirituel. Vous êtes partis dans un esprit d'abandon total à Dieu. Avez-vous le sentiment qu'il vous a accompagnés, et que vous le connaissez mieux aujourd'hui ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets.
E. et M. Cortès - Pas à pas, nous avons expérimenté que l'Homme ne vit pas seulement de pain, qu'il n'est pas qu'un être de chair. Cette marche a réveillé en nous une musique intérieure, le chant de l'âme. Jour après jour, nous avons fait jaillir une autre richesse, celle de la foi. Avec Jésus, nos pieds ruminaient « Là où est ton trésor, là est ton cœur ».
Nous avons découvert la force de la prière du pauvre : celle d'un enfant qui crie sa détresse, sa colère à son père en attendant tout de lui. « Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien... ». La prière du pauvre, de l'enfant qui dit « Merci Papa » pour cette personne rencontrée, pour ces figues trouvées au bord du chemin, pour l'ombre d'un arbre à l'heure de la pause, pour ce feu qui réchauffe au lieu de bivouac... Pérégriner, c'est apprendre à reconnaître la présence divine dans nos vies.
Nous prenions chaque jour le chapelet, la main de la Vierge Marie. Au fil des Pater et des Ave, glissait une intention particulière qui nous avait été confiée, notamment celles des lecteurs de Zenit.
Nous avons découvert la méditation des pieds. Les pas, par leur rythme lent, laissent l'esprit vagabonder plus loin que toutes les belles formules. Sans grands discours ni élans mythiques. C'est la prière du cœur. Celle qui écoute avant de parler.
Depuis 2000 ans, cette route vers Jérusalem a été parcourue par des milliers de pèlerins, vagabonds, aventuriers ou « paumiers ». Nous marchions avec eux, n'ayant pas le sentiment d'accomplir un exploit mais de faire partie des moutons qui vont vers leur Berger. Nous avons surtout été portés par la prière et les pensées de nos familles, nos amis, de beaucoup qui marchaient dans leur tête avec nous. C'est une expérience de communion au-delà des kilomètres.
Il nous a fallu apprendre à pardonner à ceux qui nous ont rejetés. Secouer la poussière de ses sandales, non pas dans un geste de dédain mais pour laisser là le mal et les rancoeurs. Ce n'est pas chose facile. La poussière, ça colle.
Le plus beau de cette marche fut d'essayer de s'abandonner à Dieu. En ce domaine, rien n'est jamais acquis. C'est chaque jour, à chaque instant qu'il faut renouveler sa confiance à son conjoint, aux autres, à Dieu. Cette marche était nos premiers pas.

Zenit - Ces mois d'efforts, d'épreuves mais aussi de joie, ont assurément fait mûrir votre relation de couple. Avez-vous l'impression d'avoir appris des choses importantes pour réussir votre vie de couple. Si oui, lesquelles ?
E. et M. Cortès - Nous avons vécu de manière extrême nos premiers mois de mariage : 24h sur 24 ensemble, ce n'est pas ordinaire. Ce voyage a été comme une allégorie de la vie de couple : une expédition au long cours qui demande une bonne dose d'intrépidité, de confiance et de persévérance.
En couple, rien ne résiste à la route, aucun masque. Fatigues, paresses, orgueils,... c'est peine perdue de vouloir les cacher. Impossible de se leurrer, de voir autrui tel qu'on voudrait qu'il soit. Nous avons ainsi pu faire un travail de vérité sur chacun de nous. Et en retour, apprendre à accepter l'autre tel qu'il est. Nous avons surtout appris que l'amour n'est pas qu'un sentiment. Nous vivons aujourd'hui d'un amour que nous voulons construire tous les jours, comme sur la route, dans les larmes ou en chantant.
Croire que l'autre nous comprend naturellement sans paroles est une erreur. Ce qui va sans le dire, va mieux en le disant : il faut communiquer ! Nos réactions face aux événements sont très différentes ce qui implique de toujours prêter attention à l'autre, à ce qu'on reçoit de lui. Ces différences de perception nous ont souvent conduit à nous disputer, fortement parfois, à cause d'incompréhensions. L'occasion d'apprendre à nous demander pardon, de recevoir et accepter le pardon de l'autre.
Les sceptiques chuchotaient à notre départ : « Ils vont se séparer avant d'arriver », « il fallait partir avant le mariage, pour voir si le couple résiste ». Bien au contraire, ce qui nous a fait marcher c'est de nous être engagés à vie. Nous avions un projet commun, celui d'atteindre Jérusalem. Sans projet de couple, on s'endort. Ce qui nous fait progresser, c'est que nous voulons nous aimer. Sans volonté, on finit par se quitter. Ce qui nous fait avancer, c'est notre désir commun de la Jérusalem Céleste. De grands désirs portent à la Vie.

Zenit - Vous envisagez maintenant d'écrire un livre pour raconter cette expérience. Quand prévoyez-vous la sortie de cet ouvrage ?
E. et M. Cortès -
Le livre paraîtra aux éditions XO en octobre 2008 avec notre carnet de route et notre témoignage. Nous rédigeons actuellement cet ouvrage. Pour vous tenir informés, vous pouvez consulter le site :
http://www.enchemin.org
[Pour lire quelques extraits du carnet de route, cf. Zenit des 5, 6, et 7 novembre 2007]

Propos recueillis par Gisèle Plantec

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